17 février 2022 | Le Billet de Mathilde
Le métier de parent
Il y a quelque jours Mathilde était en ville. Devant marchaient deux très jeunes filles. Très jolies mais étonnantes. Elles portaient chacune la même tenue : un short noir et blouson noir, lui aussi. Rouge à lèvres et vernis à ongles noirs. Yeux cernés de charbon. Chevelure longue pour l'une et mi-long pour l'autre d'un noir d'encre. On aurait pu les croire en deuil, ce que démentait un détail. Au-dessus de bottines noires (vous l'aviez deviné) elles portaient des bas épais – qui semblaient en laine – à rayures noires et blanches. Mathilde a pensé qu'elles sortaient d'un bal costumé. Quoique à trois heures de l'après-midi… Les jours suivants Mathilde repéra d'autres membres de cette tribu, ou de cette secte, de plus en plus nombreux dans nos rues. Des enfants d'amis de cette génération la renseignèrent. Il s'agissait d'une mode au doux nom de Gothique et qu'il y en avait d'autres, cohabitant difficilement les unes avec les autres. Qu'il fallait choisir son camp en rapport avec le groupe de musique dont on était le fan.
Il faut bien que jeunesse se passe. Il y a eu par le passé les zazous, les yéyés, les babas cools et j'en oublie. Ce qui fait peur c'est cette abdication de toute singularité. On doit ressembler au modèle jusqu'à la caricature. Les jeunes ont besoin de s'opposer aux adultes pour se construire. Quelle aurait été ma réaction en découvrant l'un de mes fils dans cet équipage ? Dur métier que celui de parent.