Association des éditions Cocagne MAISON DE LA MÉMOIRE & DES ÉCRITURES

L’inconnue du train

6 août 2024 |  

Notre amie Mathilde bouge rarement de chez elle. Mais dès qu'elle le fait, il lui arrive des aventures, comme si elle les attiraient, tel un aimant la limaile de fer.
Mathilde s'occupe d'une association d'édition (à but non lucratif, bien entendu !) et elle a dû se rendre à Paris pour cela. Au retour comme à l'aller, elle a pris le train. Un Ouigo. Confortable, rapide et bon marché. Compartiments ouverts, deux rangées de deux personnes. Mathilde était assise dans le sens de la marche, rangée de droite, côté fenêtre. Une femme est venue s'asseoir à côté d'elle. Comme souvent, Mathilde avait un livre à la main. Elle tentait de lire mais son regard était attiré vers sa voisine. C'était une belle femme avec un air très doux. Nettement plus jeune qu'elle. De celles qui vous font regretter de ne pas avoir apporté davantage de soin à votre apparence. Leurs yeux se sont croisés et elles se sont souri.
– Où descendez-vous ?
– A Toulouse.
– Moi juste avant.
Et après un long silence :
– Je m'appelle Marceline.
– Moi c'est Mathilde. Enchantée.
– J'ai l'impression de revivre un voyage que j'ai fait en prenant ce même train, à cette époque de l'année, il y a six ou sept ans.
– Vous faites souvent ce trajet ?
– Oui. Je rends régulièrement visite à ma famille et particulièrement à mon père qui a des problèmes de santé.
– Pour moi, c'est exceptionnel. J'avais rendez-vous avec un éditeur à Paris pour la publication d'un livre.
– Incroyable ! Les similitudes avec ce précédent voyage sont troublantes ! J'ai en effet rencontré ce jour-là, une femme écrivain qui s'était assise à votre place et à laquelle, sans savoir comment, je me suis mise à raconter le drame qui a définitivement marqué ma vie. J'avais vingt ans et j'ai eu un accident où un ami a trouvé la mort et où j'ai été très grièvement blessée avec de très lourdes séquelles. Plus de trente ans plus tard c'était la première fois que j'en parlais à quelqu'un. Et l'écoute de cette femme était tellement exceptionnelle que la parole coulait de moi très naturellement. Cette «confession» m'a énormément soulagée et je me suis sentie légère comme jamais. Cette femme m'avait laissé son adresse et son numéro de téléphone (je ne me souviens pas de lui avoir communiqué les miens). Elle m'a recommandé de la contacter à ma convenance car elle voulait écrire mon histoire. Je ne l'ai pas fait tout de suite. Et quand j'y ai repensé longtemps après, je n'ai pas retrouvé ce petit papier où je revois l'encre de sa belle écriture sans pouvoir me souvenir de son nom.
– Une femme écrivain qui habite Toulouse où, dans le milieu de l'édition, en fin de compte tout le monde se connaît. Elle a dû en parler autour d'elle. Quelqu'un peut s'en souvenir parmi les éditeurs, libraires, écrivains, organisateurs de rencontres autour du livre, journalistes. Il faut retrouver cette femme afin qu'elle réalise son projet de livre. Vous pouvez compter sur moi. Je vous donne mes coordonnées dans un mail auquel vous me répondrez afin que j'aie les vôtres. Maintenant racontez-moi… Je vous écoute.