Association des éditions Cocagne MAISON DE LA MÉMOIRE & DES ÉCRITURES

Mal sournois

12 novembre 2021 |  

Mal sournois

Dans le groupe de ses très anciennes amies, Mathilde, comme toutes les autres, a toujours beaucoup admiré Gabrielle. C’est une belle femme avec tout pour être heureuse. Un mari adorable, une belle maison, deux grands enfants qui ont bien réussi dans la vie. Perfectionniste depuis toujours, la pire de ses angoisses est de ne rien trouver à redire. Alors, pour voir la vie en rose et ne plus être obsédée par le détail qui cloche, pour que son humeur soit plus légère pour son entourage, elle a pris l'habitude de s'offrir un remontant avant le repas du soir. Un petit blanc. Puis un whisky avant de dîner. Puis un armagnac pour mieux dormir. En se lâchant encore davantage à l'occasion de fêtes entre amis. Jusqu'à ce que Mathilde s'exclame : «Dis donc, je trouve que tu as la descente un peu raide ! Si je ne te connaissais pas, je te croirais accro à l'alcool». Cette réflexion, Gabrielle l'a ressentie comme une gifle. C'est vrai qu'à la suite de remarques acides de son mari, elle avait pris l'habitude de trouver du réconfort en se cachant pour boire. Et de planquer une bouteille ici ou là. Dès le lendemain elle est allée consulter un psychothérapeute et elle a intégré un groupe de parole.  

Depuis, Gabrielle n'a plus bu une goutte d'alcool. On lui a expliqué que l'alcoolisme n'est pas un problème pour celui qui boit. C'est au contraire, pour lui, la réponse idéale, à court terme, à toutes ses angoisses. A moyen et à long terme, l'alcoolisme détruit tout l'environnement affectif du malade. Car c'est bien une maladie qu'il faut affronter sans honte et en se faisant épauler par ses proches et par des professionnels compétents.

C'est aussi devenu un problème de société préoccupant. Les jeunes générations sont dépendantes de plus en plus jeunes. Cela débute à l'occasion d'une fête entre ados, avec la consommation d'une catégorie de boissons à la mode qui, sous le masque de jus de fruits très agréables, contiennent une forte quantité d'alcool. Une fois la dépendance installée, tout devient plus compliqué.

Gabrielle a remercié Mathilde pour son intuition. Sa remarque, un peu virulente, lui a permis de réagir avant qu'il ne soit trop tard. Elle a intégré une association de lutte contre l'alcoolisme. Elle va dans les classes d'ados et de pré-ados raconter sans complexe son expérience et comment elle a pu s'en sortir.