20 août 2024 | Le Billet de Mathilde
Où sont passées les grands mères ?
Cette année, Mathilde aura l'âge de sa grand-mère bien-aimée lorsqu'elle est morte. Elle lui racontait des histoires et parlait par proverbes : « Une de perdue dix de retrouvées » pour mon premier chagrin d'amour. « Il y a du pied dans la chaussette » quand quelque chose commençait à prendre forme. « Mieux vaut un petit chez soi qu'un grand chez les autres » pour justifier son train de vie très modeste. « Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage » contre la mauvaise foi. Il y en avait pour toutes les situations, pour chaque saison de l'année. C'était aussi, dans la plus pure tradition, une cuisinière hors pair et une Mamie-confiture à partir de fruits glanés au bord des chemins : mûres, pommes sauvages, cerises, gratons d'aubépine… Elle connaissait les simples et soignait le voisinage. L'huile de millepertuis qu'elle confectionnait à la Saint Jean faisait des miracles contre les brûlures, les courbatures, les bleus.
Dans sa chanson « Tolosa », Claude Nougaro célèbrent « les mémés » qui « aiment la castagne ». Ce sont sans doute les mêmes que Brassens avait rencontrées « au marché de Brive La Gaillarde ».
Nos soixantenaires d'aujourd'hui en paraissent quarante voire trente. Plusieurs de mes amies d'enfance qui ont atteint cet âge autrefois canonique, vivent un célibat heureux et épanoui. Si l'une est veuve – et à présent consolée – les autres ont divorcé pour vivre une seconde jeunesse. Pour la cuisine, ce sont les championnes du surgelé et du micro ondes. Au diable confitures, gâteaux et autres douceurs. Pas question de garder la marmaille de leurs enfants. Elles ont mieux à faire. Elles fréquentent assidûment cours de mise en forme et institut de beauté, vont danser au moins deux fois par semaine, partent en croisière, tombent régulièrement amoureuses d'hommes bien plus jeunes qu'elles… La «mémé» de Mathilde, veuve très jeune, menait-elle une vie privée qu'elle cachait ? Mathilde ne s'était jamais posé la question…