Association des éditions Cocagne MAISON DE LA MÉMOIRE & DES ÉCRITURES

Pour ne pas déranger

4 juillet 2025 |  

La voisine de Mathilde, une personne, très aimable, toujours souriante, tirée à quatre épingles et très discrète s'est suicidée. Elle venait d'avoir 91 ans. Valide, jamais malade et elle se suffisait à elle-même. Tous les habitants du quartier sont en état de choc. Certains se souviennent que la sympathique vieille dame avait évoqué cette éventualité au moment de la mort de son chat, il y a deux mois. Elle vivait très isolée et ne fréquentait personne : ses petits enfants installés à Paris passaient rapidement la voir en été, au moment des vacances. C'est le lot de la plupart des candidats au suicide : solitude et déprime. On n'arrive plus à faire ce qu'on accomplissait encore récemment ; on se sent inutile, dévalorisé. Il suffit d'un élément déclenchant – comme la perte d'un animal de compagnie ou un handicap de plus lié à l'âge – pour passer à l'acte.

Notre société se scandalise – à juste titre – du suicide chez les jeunes gens, interprété comme une demande d'aide. Celui des « vieux » est souvent considéré comme légitime : un choix « sensé » : celui d'avancer un peu l'heure de sa mort. À cette étape de la vie il y a très peu de suicides ratés. Il ne s'agit plus d'appel au secours mais d'un désespoir sans remède.

Un œil cynique peut faire la différence entre ces deux situations : le jeune en se suicidant prive la société de sa productivité encore à venir ; la personne âgée a déjà donné tout ce qu'elle pouvait et n'a plus aucune valeur « marchande ». Et les plus fragiles choisissent de partir pour « ne pas déranger ». Un gâchis lamentable. Car, même si nous avons tous, un jour ou l'autre, considéré cette solution définitive comme un remède à notre mal-être, le suicide n'est jamais la bonne solution. Car elle apporte une réponse définitive à un problème qui, lui, est pratiquement toujours provisoire.