27 février 2021 | Le Billet de Mathilde
Mathilde apprécie sa plus proche voisine, Geneviève, qui vient d'avoir 89 ans. Descendante d'une des plus grandes famille de la ville, élevée par un père militaire – sa mère est morte lorsqu'elle avait huit ans – elle a reçu une éducation à l'ancienne. Avec la simplicité et la discrétion des vraies personnes de qualité, très aimable, toujours souriante, tirée à quatre épingles, Geneviève ne fréquentait personne et décourageait les approches de Mathilde qui aurait aimé mieux connaître cette femme qui la fascinait et l'intriguait à la fois. Ce matin tous les habitants du quartier sont en état de choc. La femme de ménage arrivée à 9 heures, comme chaque jour, a retrouvé sa patronne sans vie. Elle s'est suicidée. Mathilde se souvient que la vieille dame avait évoqué cette éventualité au moment de la mort de son chat, il y a deux mois. Elle s'en veut ne ne pas avoir été plus à l'écoute.
Dans un isolement trop grand, la déprime peut s'installer. On n'arrive plus à faire ce qu'on accomplissait encore récemment ; on se sent inutile, dévalorisé. Il suffit d'un élément déclenchant – comme la perte d'un animal de compagnie ou un handicap de plus lié à l'âge – pour passer à l'acte.
Notre société se scandalise, à juste titre, du suicide chez les très jeunes gens, interprété comme une demande d'aide. Celui des «vieux» est souvent considéré comme légitime : un choix «sensé» : celui d'avancer un peu l'heure de sa mort. À cette étape de la vie il y a très peu de suicides ratés. Il ne s'agit plus d'un appel au secours mais d’un désespoir sans remède.
Un œil cynique peut faire la différence entre ces deux attitudes : le jeune, en se suicidant, prive la société de sa productivité encore à venir ; la personne âgée a déjà donné tout ce qu'elle pouvait et n'a plus aucune valeur «marchande». Et les plus fragiles choisissent de partir «pour ne pas déranger». Même si nous avons tous, un jour ou l'autre, considéré cette solution définitive comme un remède à notre mal-être, le suicide n'est jamais la bonne solution. Car elle apporte une réponse définitive à un problème qui, lui, est pratiquement toujours provisoire.