30 juin 2022 | Le Billet de Mathilde
Aussi loin que remontent ses souvenirs, Mathilde n'a jamais aimé les dentistes. Certainement à cause du premier d'entre ceux qu'elle consultait lorsqu'elle était enfant, chaque jeudi après midi – qui était le mercredi de l'époque. C'est sans doute pour cela qu'elle n'aime pas les congés. Lorsqu'elle était à la merci de la roulette, coincée sur le fauteuil, la bouche ouverte, il lui parlait de sa passion pour les reptiles, des animaux dont elle avait presque aussi peur que des dentistes. Elle a grandi et changé de praticien et elle a fait le tour de tous ceux de la ville ou presque. Ses dents tombaient les unes après les autres sans qu'aucun n'y trouve de solution. Lorsqu'elle n'a plus eu que cinq dents, elle s'est résignée à manger de la purée pour le restant de ses jours. On lui a alors parlé d'une femme exceptionnelle que le fils de sa meilleure amie était allé consulter pour un problème analogue. Le contact fut très chaleureux et la proposition de soins claire et efficace. Difficile de sympathiser quand on est obligé de rester la bouche grande ouverte. A la faveur d'une pause Mathilde a cédé à la curiosité et a demandé : «Comment peut-on choisir un tel métier ?
– Oh je ne l'ai pas vraiment choisi. J'étais forte en maths et après le bac je voulais poursuivre dans la recherche. Mais il fallait alors être plus que bon. Et c'est par élimination des orientations qui ne me convenaient pas que j'ai choisi celle-là. Et j'adore. Le contact humain, le travail sur la matière, la variété des solutions à trouver. Pas de routine : on ne s'ennuie jamais et on sait qu'on est utile, qu'on soulage des personnes qui souffrent, qu'on améliore leur qualité de vie».
Mathilde continue à manger des soupes et des purées. Il reste une dent à arracher et ensuite elle devra quitter cette adorable personne pour aller se faire appareiller. Mais elle lui a proposé, le moment venu, de l'inviter au restaurant pour inaugurer et tester ses dents neuves. Avec, cette fois, une vraie conversation car elle pourra parler, enfin.
Méfiez-vous des a priori concernant tel ou tel métier. Cette opinion est souvent liée à une expérience malheureuse avec la mauvaise personne. Mieux vaut provoquer l'occasion de rectifier un jugement négatif le plus souvent lié aux circonstances.