24 février 2022 | Le Billet de Mathilde
Silence
Cette semaine, Mathilde a revu une amie partie s'installer à Marseille et qui passait quelques jours ses parents dans le petit village qu'elle habitait auparavant. Elles avaient choisi d'aller dans un café librairie très sympathique. Mais le rideau de fer était baissé pour cause de vacances. Très déçue, l'amie de Mathilde indiqua qu'il y avait un autre bar mais qu'elle n'y était jamais allée. Dès l'entrée elles furent assaillie par les décibels et par les images mouvantes d'une dizaine de télévisions à écran géant où l'on voyait courir des chevaux. Elles entraient dans le temple du jeu : Las Vegas aux champs. A part le patron et un client au comptoir, personne. L'espace semblait immense, disproportionné pour cette petite bourgade, encombré de flippers et autres machines à jouer. Elles choisirent de s'installer dans un coin où elles pensaient échapper aux télés agressives dont le volume sonore semblait réglé au maximum. Dans cette zone relativement épargnée, on hurlait des chansons américaines. Elles avaient du mal à se parler. Sans bouger de son comptoir le patron leur demanda en criant ce qu'elle désiraient. Mathilde osa suggérer de baisser le son car elles ne s'entendaient pas. «Eh pis quoi encore ?!!? Si vous préférez, vous pouvez aller vous installer dans la cave !» Il vint jusqu'à elles avec un regard assassin leur jeter deux cafés. Puis il retourna à son poste d'observation et ne les quitta plus des yeux, l'air très peu aimable. A ce moment-là l'unique client du lieu s'avança jusqu'à la machine la plus proche et, ce qu'on aurait cru impossible se produisit : le son doubla de volume. Elles décidèrent de prendre la fuite. Un timide rayon de soleil les engagea à faire le tour du lac. L'endroit était d'une beauté fastueuse. A deux pas, un employé soufflait sur les feuilles du chemin avec un engin pétaradant, relayé et amplifié par l'écho des collines. «Sans doute un habitué du bar où nous étions» déclara Mathilde.
Le silence devient rare dans notre société dite évoluée. On dirait que c'est ce que redoutent le plus nos contemporains, avec la solitude. C'est-à-dire, par hasard, les deux conditions d'une pratique spirituelle. Mais est-ce un hasard ?