Association des éditions Cocagne MAISON DE LA MÉMOIRE & DES ÉCRITURES

Un autre regard

13 janvier 2022 |  

Un autre regard

Il y a un mois environ Mathilde a pris froid et a eu une sévère bronchite. Là dessus elle est tombée dans ses escaliers et s'est cassé deux côtes. Tousser dans cette situation, je ne vous le recommande pas ! Elle va bien mieux mais ne peut toujours pas conduire. Je l'ai donc accompagnée faire quelques courses.

Sur le parking du supermarché, j'ai aperçu une silhouette à présent familière et qui m'irrite immanquablement : une femme voilée, me remettant en mémoire les polémiques à propos du port du foulard à l'école de la démocratie.  J'ai commencé à rouspéter avec virulence.

Debout, cette jeune femme tenait un superbe enfant dans les bras. Mathilde m'a coupé la parole et m'a demandé : «Si tu laisses tomber tes a priori, ce que tu a entendu à la télé ou lu, cela ne te rappelle rien ? 

Et tout à coup une autre image s'est superposée : j'avais devant les yeux la représentation exacte de la vierge à l'enfant que j'ai vue si souvent dans l'église de notre quartier depuis mes plus jeunes années. Je me souviens qu'il m'arrivait de lui adresser des suppliques afin qu'elle fasse en sorte que je ne sois pas puni pour les bêtises que j'avais faites et dont je me repentais, un peu tard. Et il arrivait qu'elle m'écoute. C'était le même sourire, la même posture, la même sérénité. 

Et cela m'a fait réfléchir. Est-il possible que la même représentation suscite, selon les circonstances, amour et respect d'un côté et rejet et animosité de l'autre ?  

Il n'est pas question ici pour moi de trancher la question du port du voile. Il s'agit simplement d'illustrer un propos plus général. D'ouvrir une réflexion. Et si on évitait de rejeter celui qui est différent, sans appel, a priori, sans prendre le temps de l'écouter. Si on tentait de comprendre, d'engager un échange, un dialogue, même si chacun reste, à la fin, sur ses positions – car chacun pense avoir les meilleures raisons d'agir comme il le fait.   

Cette anecdote m'aide à réaliser que souvent nous réagissons avec des opinions toutes faites sans prendre la peine d'y réfléchir, même pour dire simplement «je ne sais pas». Merci Mathilde.