11 novembre 2022 | Le Billet de Mathilde
Mathilde a voulu nous lire un texte de la fin du dix-huitième siècle écrit en 1792 : «La véritable noblesse, que les travaux augustes font remonter jusqu'au premier homme, est celle des nobles laboureurs. Voilà la bonne et véritable noblesse que l'on devrait établir et je proposerais de mettre sur le trône la plus ancienne famille de laboureurs» et signé par notre compatriote Olympe de Gouges pendant la révolution, un an avant d'être guillotinée. Car la détresse du monde paysan est éternelle. Ceux qui nourrissent l'humanité et qu'on devrait remercier et respecter, ont souvent été maltraités et mal considérés.
Et Mathilde s'enflamme et insiste : «La première grande jacquerie date de la guerre de Cent ans au quatorzième siècle. Le terme est resté pour nommer ces manifestations de désespoir tout au long de l'histoire». Pourtant ceux dont nous dépendons pour notre survie devaient être entendus, respectés et leurs voeux exaucés, sans avoir à se mettre en colère, à défaut d'être anoblis.
Ce producteur laitier estime que si on lui achetait le lait 20 centimes de plus, il pourrait s'en sortir. Alors qu'aujourd'hui plus ils travaillent, plus les gens de la terre perdent de l'argent. On est loin du «travailler plus pour gagner plus». Leur mobilisation vise à informer et à alerter l'opinion publique. C'est le désespoir qui les pousse à agir à la limite de la légalité. Trop c'est trop. Les injonctions européennes, les importations qui font s'écrouler les prix, les exigences de la grande distribution, toute puissante, les écrasent toujours davantage.
«Pensez au paysan qui s'est tué hier et à celui qui se tuera demain» pouvait on lire sur un tracteur. Comme chacun de nous, Mathilde se sent concernée. Sa part de sang paysan bouillonne : comme nous tous, elle a des grands parents issus du monde rural. Et que sa conscience – notre conscience – nous place devant un cas de non assistance de personne en danger.