26 juin 2021 | Le Billet de Mathilde
Il y a quelques jours, nous nous sommes retrouvés autour de notre amie Mathilde. Comme plusieurs fois par an, à l'occasion de l'anniversaire de l'un d'entre nous – ou simplement pour son bon plaisir – , Mathilde recevait dans sa modeste maison ses amis les plus proches, pour partager un repas préparé par ses soins. Et traditionnellement accompagné du champagne qu'elle fait venir directement de chez un cousin du côté de sa mère – irréductible champenoise – producteur récoltant à Epernay. Du champagne, mais du vrai bon. Et nous avons alors connu le fin mot d'un mystère qui dure depuis qu'elle nous invite à ses repas.
Car elle sert ce délicieux breuvage dans une série de coupes et de flûtes à pied, bien sûr, obligatoirement pour le champagne – mais hétéroclites, toutes dissemblables. Nous avons formulé le projet de lui acheter une douzaine de coupes à champagne pour le prochain repas. Elle nous a prié de n'en rien faire. Elle nous a expliqué qu'elle tenait beaucoup à cette particularité. Elle présente l'avantage, pour chacun des convives, de ne jamais se tromper de verre et de ne pas boire dans celui du voisin, même après avoir trinqué plusieurs fois ou davantage. Il en va de même pour chaque assiette, chaque fourchette… etc. Et chaque objet «pièce unique» a son histoire. Sa personnalité, son âme en quelque sorte. Cette tasse blanche, par exemple, veuve de sa soucoupe, est la dernière survivante du service à café reçu en cadeau de mariage – il y a soixante-dix ans – par la tante Adèle. Ce couteau a été perdu et retrouvé par feu son mari dans le pré où ils avaient coutume d'aller pique-niquer aux beaux jours…
Et chez Mathilde il en est de ses amis comme de la vaisselle : aucun ne se ressemble. Il y a des croyants et des mécréants, de droite et de gauche, des intellos et des ouvriers, des jeunes, des vieux… L'humanité entière s’y retrouve, se parle et s'écoute avec bienveillance, respect et dans la bonne humeur. Ainsi se forgent des amitiés improbables et joyeuses.
Si Mathilde n'existait pas, il faudrait l'inventer.