14 décembre 2023 | Le Billet de Mathilde
La dernière fois que nous nous sommes retrouvés chez notre amie Mathilde, elle était en veine de confidences : «L'un de mes plus beaux souvenirs d'enfance reste l'émerveillement en découvrant la magie du cinéma. C'était la sortie familiale du samedi soir et on nous recommandait tout au long de la semaine d'être sages si nous ne voulions pas en être privés. Nous avons découvert les films mythiques de l'époque : les westerns américains qui avaient ma préférence et les histoires sentimentales ; des films français dont raffolaient ma sœur, ma mère et ma tante qui nous accompagnaient toujours.
J'ai gardé l'amour de ce septième art, même si je n'ai plus que très rarement le loisir de fréquenter les salles obscures. Pourtant j'y vais, souvent seule, à des heures de basse fréquentation. La semaine dernière, c'était la dernière d'un film que je ne voulais pas rater. Le public était assez nombreux. Il se trouvait dans l'assistance un couple qui n'a pas arrêté de se disputer à haute voix – et parfois à très haute voix – et si nous avons eu du mal à suivre l'intrigue qui se déroulait sur l'écran, nous n'avons rien ignoré des leurs. Quelqu'un a fini par leur demander d'aller continuer ailleurs. Ce qu'ils ont fait. C'est alors qu'un téléphone portable a sonné et que la personne appelée ne s'est pas gênée pour répondre longuement et à haute voix. Ne parlons pas des bruits de mastication des spectateurs amateurs de friandises croustillantes, ni des papiers froissés avec une infinie lenteur afin d'en faire profiter au maximum nos oreilles».
L'ego du Français moyen semble s'être dilaté hors de proportion depuis quelques années – surtout depuis le règne sans partage de la télé – et chacun se croit chez soi n'importe où. Il y en a même qui quittent leurs chaussures et se déshabillent plus que de raison.
Notre société oublie complètement la frontière entre l'intime et le social. Les jardins secrets se cultivent à présent sous le regard du plus grand nombre (voir réseaux sociaux). Pourtant, tout ne peut ni se faire, ni se dire n'importe quand ! Et notre liberté s'arrête là où commence celle des autres.